Un jour pourtant un jour viendra couleur d'orange
Un jour de palme un jour de feuillages au front
Un jour d'épaule nue où les gens s'aimeront
Un jour comme un oiseau sur la plus haute branche

Aragon


10/03/2009

pour comm and come

questionnement sur l'art


il ne faut pas confondre art et esthétisme...
cela était vrai à l'époque de l'art grec et romain,également au moyen-age
mais après, l'art s'est disons "émancipé" et l'émotion (entre autre) a pris le dessus sur le "beau".
L'art nous fait réfléchir sur le monde dans quel on vit,il est porteur d'émotion et doit pousser l'homme a une réflexion sur lui-même.

de Fromanger sur l'art et la peinture en particulier:

"Quand je pose un rouge sur la toile blanche, ce rouge n’est rien et la toile n’est pas blanche. Ce rouge n’est pas monochrome immatériel, ni un symbole, ni une vanité, ni un feu, ni la trace d’un désespoir. Ce rouge est seul, rien ne le colore, ne le refroidit, ne le réchauffe, il n’est rien tant qu’il est un rouge seul, il n’a pas de sens, il n’est qu’une vague trace de peinture. Mais sa présence établit un fait nouveau et inaugure un processus, il sert à quelque chose. La toile n’est pas blanche, elle est noire, noire de tout ce que les autres ont fait, noire de tout ce que j’ai fait, noire de toutes mes certitudes. Elle ne demande qu’à être blanchie. Le rouge et le noir font partie d’un projet qui n’a pas de précédent et dont je ne connais pas la suite. Le rouge commence par effacer, puis il blanchit, libère la toile de toutes les noirceurs passées qui la couvrent. Bouillonnant, éclatant, le rouge piaffe d’impatience et ne supporte plus sa solitude. Il demande, il supplie, il exige un vert, même petit, là-haut dans l’angle, et le vert apparaît, complémentaire, indispensable à la vie du rouge ; ils dansent et composent de nouvelles figures et déjà se demandent avec qui partager leurs guerres et leurs amours. Le jaune, le violet, l’orangé et le bleu accourent pour mêler leurs vitalités à la leur, par touches successives, par mouvements involontaires et inéluctables, par des accidents et des bonheurs dont le déroulement même ne signifie rien d’autre que le sens en train de se faire.

GÉRARD FROMANGER Sienne, février 1990


Marcel Duchamp ironise sur les peintres toxico-dépendants de la térébenthine mais peint toute sa vie. Le bleu est aussi nécessaire à Yves Klein et Jacques Monory que le blanc à Piero Manzoni et Robert Ryman, c’est le support (le châssis) et la surface (la toile) qu’on analyse, démantèle et restructure ; les néons de Bruce sont multicolores et les chevaux de Susan sont épais et gris de peinture ; qu’on le barde de.couteaux (Daniel Pommereulle), qu’on tourne autour (Gerhard Richter) ou qu’on tombe dedans (Anish Kapoor), c’est toujours du pot de peinture qu’il s’agit. Pour le Front national des fossoyeurs de l’art contemporain (Baudrillard, Clair-Regnier, Fumaroli, Domecq, Mavrakis, Revol, Held) la cause est entendue : Jackson Pollock est un « pochard », Andy Warhol un « imposteur », Daniel Buren un « truqueur officiel », Jean-Pierre Raynaud un « impuissant », « l’art contemporain français n’a plus ni sens ni existence » (J. Clair), on dénonce « le complot de l’art » (Baudrillard), « mon fils en fait autant », on connaît la chanson, nous sommes tous des dégénérés.

La calomnie, l’exclusion et la haine nourrissent leur fond de commerce. Ils aiment une peinture qui flatte l’encolure, pleine de certitudes et de bon goût, qui met au pas dans le sens du poil, une peinture en avant comme avant, celle qui enfonce les portes ouvertes. Ils exècrent la peinture contemporaine, celle qui « trouble » (Braque), qui « sent sous les bras » (Picasso), qui « résiste face au journal du matin » (Breton), celle qui enfonce les portes fermées.

La peinture contemporaine n’est pas un média, pas un pouvoir, pas une science. Elle n’a rien à communiquer, rien à vendre, rien à ordonner. Elle n’informe pas, ne flatte personne, ne fait ni propagande ni publicité. Elle n’est ni documentaire, ni fiction, ni courte ni longue, ni petite ni grande, elle n’illustre ni ne commente, elle n’est rien d’autre qu’elle-même, c’est une « chose » en soi qui ne parle que d’elle-même et ne peut parler d’autre chose que d’elle-même. Si elle parle d’autre chose elle n’est plus de la peinture contemporaine. Elle est un noyau dur, radical, nécessaire et suffisant. C’est par cette totale singularité qu’elle parle aux autres. Elle ne parle que de peinture donc elle parle de tout à tous.

La peinture contemporaine n’a rien à conquérir ni rien à défendre. Quand elle fait la guerre c’est pour du beurre, elle fait rire (Eduardo Arroyo) ou mourir (Jean-Michel Basquiat) et pourtant elle est attaquée de toutes parts. Sans territoire et sans pouvoir on la désire et on l’assassine. Elle est un peuple plein de batailles internes (figuratifs/abstraits, géométriques/lyriques, conceptuels/matiéristes, sculptures/environnements, peintures/performances, etc.) qui n’en veut à personne, n’attaque personne, n’impose rien. Elle ne donne pas de résultats exacts, pas de découvertes utiles, pas d’équation, pas de théorème, et pourtant les « comités scientifiques » la jaugent, la gèrent et la jugent : « Avec moi vous êtes sûr de ne pas vous tromper » (Rosalind Krauss). Elle n’est pour autant ni un truc ni une trouvaille ni une mystification ni une imposture, et pourtant on l’insulte.

Mais très vite la peinture n’imite personne, ne combat personne, ne trompe personne. Elle atteint ce point de non-retour à partir duquel on avance, on défriche, on cherche et on trouve, on devient un(e) inconnu(e), un(e) étranger(e) : on débarque et on embarrasse, on apparaît et on encombre, on invente et on dérange, on illumine et on indispose, on enchante et on gêne, on éblouit et on fait peur. Un ciel immense écrase comme une mouche un Manhattan dérisoire. Un ciel peint comme la carcasse d’un autobus, la porte d’un wagon de marchandises ou le flanc d’un navire, et qui crie : Je ne suis pas un ciel au-dessus d’une ville, je ne suis ni beau - ni gai - ni triste, ni aube ni crépuscule, je n’ai rien à dire et vous ne m’avez jamais vu, et pourtant vous m’écoutez et vous me reconnaissez. Je suis né de la dernière pluie, je suis encore tout mouillé du ventre de ma mère, je suis un coup de pinceau tout neuf, je suis comme je suis, comme tu es, comme il est, comme nous sommes, comme vous êtes, comme ils sont.

Il faut avoir en tête le bonheur de Susan sortant de l’atelier pour dire à Bruce : « Aujourd’hui j’ai eu une idée fantastique qui bouleverse ma peinture. » Elle avait simplement eu le courage, pour elle extraordinaire, de poser pour la première fois une touche de rose sur le naseau d’un cheval ! Il faut avoir en tête le désespoir de Bruce sortant de l’atelier pour dire à Susan : « Aujourd’hui je n’ai rien fait. » Il avait seulement esquissé vingt idées neuves dont aucune ne le satisfaisait. (À suivre)

GÉRARD FROMANGER Paris, le 29 janvier 1999


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8 commentaires:

Al John a dit…

Le texte je le connaissais ^^.
Je comprend tout à fait ce que tu veux me démontrer. Selon la définition que tu me donnes, l'art est avant tout quelque chose de nouveau. Dans ce cas rémy gaillard est un artiste or, il n'en est pas un. Mais avec ta définition de l'art, de nombreuses personnes deviennent artistes alors qu'elles ne le sont pas. C'est ce que je reproche à l'art contemporain de trop facilement donner le statut d'artiste et celle d'oeuvre d'art. L'urinoir par exemple de Duchamp, ou le carré de miroir de Pistoletto.

menfin a dit…

ah le miroir...il a fasciné beaucoup d'artistes. normal non? pistoletto en dit qu'il double tout sauf lui même
c'est une réflexion sur la solitude;

l'urinoir de Duchamps,c'est de la poésie. Voir les choses autrement, apprendre a les regarder, c'est la même démarche que Pénone avec ses lentilles miroir (encore le miroir)

Al John a dit…

Regarder un urinoir et voir de la poésie ? voir un cube au milieu d'une pièce et le voir autrement ?

menfin a dit…

oui c'est juste un objet usuel désincarné
il n'est plus lui quoi..

Al John a dit…

fervente défenseuse d'un art en perdition hein :)

noèse cogite a dit…

J'ai remplacer les couleurs par 'mot' ....drôle l'effet que ça donne..la même chose!

noèse cogite a dit…

Pour partager sur le 'rouge' ce que j'ai lu d e plus beau:)

Jeudi 8 janvier 2009
Les marches rouges
Quand je dis, les marches rouges de la maison rouge, toi tu penses à l’escalier, moi je pense au rouge. Le rouge des fronts, des fins de jour, des bilans, des galops brisés. Le rouge du rideau sur la salle. Le rouge, gorge fragile. Le rouge torche des forêts. Le rouge gifle et celui des yeux seuls. Le rouge déteint des souvenirs. Le rouge laid des vieilles, le rouge cru des filles. Le rouge des erreurs, de toutes les terreurs, de toutes les douleurs. Le rouge cri, le rouge fleur, le rouge oiseau, le rouge amant. Et le rouge qui bat, au centre. Mais, quand je dis les marches rouges de la maison rouge, je pense aussi à l’escalier, à cause des roses, violentes.
Ile Eniger - Il n'y aura pas d'hiver sans tango, mon amour - Editions Chemins de Plume

Anonyme a dit…

moi, l'inculte et l'ignare en la matière, je suis de plus en plus fascinée par les différentes formes de l'art moderne... ça va de l'abstraction, à l'art de rue, j'ai la chance d'y être initiée par une amie historienne d'art qui fait des conférences (ouvertes à tous).